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The Tatami Galaxy (critique d'anime)



Kyoto est une ville que la pop culture japonaise ignore assez largement, et le nombre de mangas ou anime s’y déroulant semble dérisoire comparé à la macrocéphale Tokyo. L’ancienne capitale impériale n’y a le droit à son heure de gloire qu’à un seul moment : lors du fameux voyage de classe, véritable pèlerinage entrepris chaque année par des milliers d’élèves, de la primaire au lycée. Car Kyoto a un rôle unique au Japon, celui de musée à ciel ouvert où ont été conservés certains des plus beaux temples, sentiers et monuments du pays. Si cette sanctuarisation est importante pour la continuation des traditions et coutumes, elle tend aussi à faire oublier que Kyoto est une ville de 1,5 millions d’habitants, au rôle économique important avec les sièges d’entreprises comme Nintendo ou Daihatsu. Loin d’être une sorte de Venise du Japon, Kyoto reste donc une ville dynamique, ce qui ne transparait donc guère dans la production culturelle japonaise.



A ce titre le synopsis de The Tatami Galaxy (Yojouhan Shinwa Taikei en VO), adaptation en anime d’un light novel, ne peut manquer d’interpeller puisqu’il nous narre l’histoire d’un étudiant de Kyoto coincé dans une boucle temporelle de 2 ans qui le condamne à revivre ses années à l’université. Toutefois, il les vivra à chaque fois de manière différente en choisissant d’entrer dans une nouvelle association. Ajoutez à cela un réalisateur (Masaaki Yuasa) au style bien affirmé, et l’on obtient un postulat de départ qui intrigue.


A peine le premier épisode lancé et le spectateur risque de marteler le bouton Pause, car le héros sans nom (superbement doublé par Shintarô Asanuma) nous submerge aussitôt sous un flot de paroles, mettant à rude épreuve notre capacité de lecture des sous-titres ! The Tatami Galaxy se place résolument dans la lignée d’anime bavards comme Bakemonogatari avec qui il partage également une esthétique à part. Le héros se calmera par la suite (heureusement pour nous), il est donc préférable de ne pas se laisser intimider par ce début sur les chapeaux de roue, au risque de rater un très bon anime, on vous explique pourquoi.



Notre héros ne cesse donc de (re)vivre ses deux années à l’université, changeant à de club au début de chaque épisode. Mais curieusement certains personnages refont systématiquement surface dans chacune des itérations de sa vie estudiantine : son ami roublard et farceur Ozu, la tranquille et douce Akashi, le mystérieux sensei indolent Higuchi, ou encore une étrange devineresse aux tarifs allant crescendo. L’enjeu de l’anime réside dans l’objectif que s’est fixé notre héros : réussir sa vie étudiante, à savoir choisir le bon club et y trouver sa « dulcinée aux cheveux noir de jais » ! Un souhait qui semble basique et que le héros ne parvient pas à atteindre, chaque échec marquant le début d’un nouveau cycle de deux ans.



L’une des grandes forces de The Tatami Galaxy est de ne pas tomber dans le piège de l’anime où le héros se rend compte qu’il ne peut s’en tirer grâce au pouvoir de l’amitié. L’anime met davantage en scène les tourments du héros, ployant sous le poids des exigences qu’il s’est imposé (popularité, trouver une copine, réussir dans son club). Ces deux années qui se répètent esquissent donc un cheminement intérieur dans la psychè du héros, une démarche intéressante culminant dans les deux derniers épisodes de la série.


Le rythme de l’anime est une autre réussite : chaque épisode est l’occasion de repartir de zéro et de découvrir une nouvelle facette des personnages principaux. Le procédé aurait pu susciter lassitude et répétition, il n’en est heureusement rien grâce au bon équilibre trouvé entre running gags et découverte d’une nouvelle facette de tel ou tel personne. Les différents personnages sont d’ailleurs un autre attrait de cet anime : tous plus ou moins barrés (une dentiste qui tend à lécher tout le monde une fois ivre, un homme qui semble être un fainéant mais prétend être un Dieu pour ne citer qu’eux), ils assument pourtant leur brin de folie, et constituent à ce titre un des supports essentiels de l’humour, très présent au demeurant, de la série. Ils permettent de varier les registres de comique, passant du comique de situation au burlesque en passant par le comique de gestes. On regrettera tout au plus une conclusion un brin rapide (même si les deux derniers épisodes sont réussis dans l’absolu).


Enfin, difficile de conclure sans mentionner l’animation qui se distingue très facilement de ce que l’on a l’habitude de voir. Les personnages sont croqués en quelques traits, les arrière-plans sont encore plus radicalement sommaires que ceux du studio Shaft (la série des Monogatari), les couleurs sont vives et presque sans dégradé. Tout comme le flot de paroles du héros dans le premier épisode, le style graphique pourra donc en rebuter certains ; pour nous il s’agit d’une expérience rafraîchissante et réussie.



The Tatami Galaxy est donc à nos yeux une véritable réussite, car il parvient à utiliser le procédé de répétition temporelle pour dynamiser son récit en trouvant le bon équilibre entre similitudes et divergences d’un épisode à l’autre. Les personnages savent se montrer attachants et drôles chacun à leur façon. Enfin l’animation se distingue par son usage prononcé des couleurs pour marquer l’état d’esprit du héros, le tout avec un caractère expérimental tout à fait assumé, quitte à rebuter certains. The Tatami Galaxy n’est donc pas un anime qui plaira à tous, mais avec seulement 11 épisodes de 25 minutes on ne peut que vous encourager à tenter l’expérience.



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