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Les périodes Kofun et Asuka

A l’origine, ce chapitre devait s’appeler “L’Antiquité au Japon”. Mais il se trouve qu’il est compliqué de parler d’Antiquité au Japon, comme ce terme n’est pas évoqué par les Japonais eux-même. En effet, le dernier chapitre a été l’occasion de rappeler que le Japon divise son histoire en ère. Ainsi, après les ères Jomon et Yayoi, on peut se pencher sur la période Yamato, premier élan vers une modernisation du Japon avec la naissance de l’Etat, qui se divise en deux ères : Kofun (250-538) et Asuka (538-710).


Origines du mythe fondateur de Jimmu Tenno


S’il y a quelque chose à retenir de cette période Yamato, c’est le mythe de Jimmu Tenno, premier empereur du Japon, et descendant direct de la déesse shinto Amaterasu. Retranscrit dans les récits historiques du Kojiki (712) et Nihon-Shoki (720), Jimmu Tenno est un élément apparu à posteriori de la période Yamato, mais qui était évoqué par le conteur Hiyeda no Are. Pourquoi en parler en toute première partie de cet article alors ? Et bien, la période Yamato puise son nom de la province du même nom. Or, comme différents clans se disputaient le trône, les dynasties du Yamato ont dû trouver un moyen de se légitimer. Le meilleur moyen a donc été de relater une filiation directe avec les dieux dans le Kojiki et le Nihon-Shoki. Or, même Jimmu Tenno, considéré objectivement pendant longtemps comme le premier empereur du Japon, est en réalité un tour de passe-passe des intellectuels de l’époque ! Ils ont donc mélangé mythes et réalité pour justifier la légitimité de la lignée impériale. Fait amusant : les historiens s’accordent actuellement pour dire que Suijin serait le réel premier empereur du Japon. Mais selon le Nihon-Shoki, il ne s’agirait que du dixième !



Jimmu Tenno : une preuve qu’il faut se méfier de tout


Les débuts du bouddhisme et du shintoïsme


Si les relations Corée-Japon ont rarement été bonnes, la période Yamato permet d’offrir un beau contre-exemple. En effet, au cinquième siècle, la Corée était morcelée entre différents royaumes, et principautés indépendantes. Profitant de l’absence de pouvoir central, les Japonais se sont installés dans la zone de Kaya, et ont ainsi pu échanger des idées et des marchandises avec le continent. C’est également le cas pour la Chine. Des Japonais étaient envoyés en Chine pour y étudier la culture durant quelques années, puis pour revenir au Japon afin de partager ces idées. Ainsi, le bouddhisme aurait été introduit de la Chine via la Corée au Japon selon les historiens vers 552. Son installation a été favorisée par le prince Shotoku Taishi. Les raisons de cette prise de position sont : une certaine admiration de la Chine, un désir d’apparaître comme “civilisé”, et un attrait pour la structure, et les leçons philosophiques, du bouddhisme, bien plus fort que celui qu’il y avait pour les prémices du shintoïsme. Pour ceux qui connaissent un peu le bouddhisme, celui importé au Japon est celui du “Grand véhicule”. Contrairement à celui du “Petit véhicule”, le bouddhisme du “Grand véhicule” insiste sur la capacité de tous à atteindre l’illumination à travers un comportement approprié. L’influence du bouddhisme peut ainsi expliquer certaines caractéristiques du peuple Japonais.



Un temple bouddhiste


Le shintoïsme, ou “Voie des esprits”, reste la religion nationale d’origine au Japon. Religion de nature animiste, le shintoïsme a évolué progressivement. Les Japonais donnent des propriétés à différents éléments de la nature (animaux, forêts, montagnes…), et s’approprient ainsi la nature. En plus de conférer aux Japonais une relation particulière avec la nature, le shintoïsme régule, comme la plupart des autres religions, leur quotidien à travers toute une série de rites. Les quelques festivals favorisant la fertilité des sols illustrent ce double apport du shintoïsme. En outre, les rites de purification dus à des problèmes d’hygiène qui pouvaient survenir ont donné lieu à la pratique des bains, et donc des onsen. Point commun avec d’autres religions comme le catholicisme à l’époque, le shintoïsme confère un statut divin à l’empereur. Celui-ci est même un acteur principal de certains rites clés. Différence, cette fois-ci, avec d’autres religions : bouddhisme et shintoïsme coexistent harmonieusement et sans heurts. Les deux croyances se complétaient sur plusieurs points en matière de vie quotidienne.


Un temple shinto


Le développement de l’Etat


Si en France, on parle d’Etat à la fin du XVIIème siècle, l’Etat apparaît de façon très précoce au Japon. Là encore, l’influence chinoise a aidé dans la modernisation du Japon. En effet, ce dernier a adopté le concept d’Etat central, celui du système bureaucratique pour assurer son fonctionnement, et quelques lois qui préfigurent de la future Constitution. Différence majeure avec le système chinois : les statuts dans la bureaucratie étaient souvent plus déterminés par la position des ascendants que par les capacités individuelles au Japon, ce qui était beaucoup moins le cas en Chine. Tous ces changements étaient censés conforter l’instauration d’une hiérarchie sociale. La période la plus importante en matière de changements intervient dès 645 avec le coup d’Etat contre le clan Soga, clan qui dirigeait le Japon. Ainsi, le prince Tenchi devint empereur, tandis que la famille Fujiwara, qui avait contribué au coup d’Etat, étend son influence. C’est dès 645 que la tradition d’avoir un empereur figuratif, et un clan qui exerçait réellement le pouvoir, se concrétise. Amorçant un grand nombre de changements politiques connus sous le nom de Taika, le clan Fujiwara a largement contribué à la fondation d’un Etat central. Parmi les politiques entamées, l’une d’entre elles souhaitait abolir la propriété privée des terres. Bien qu’elle n’ait pas pu être menée à son terme, cette décision visait un contrôle des terres par l’Etat et non les individus, et donc à renforcer l'autorité de celui-ci. Le premier recensement de la population en 670 avait également le même but. En identifiant les différents types de Japonais, l’Etat pouvait savoir qui détenait quoi, et donc exercer un contrôle et un système de taxes plus efficaces.


Portrait de Tenji, qui amorce cette nouvelle période


En somme, la période de 250 jusqu’à 710 est l’occasion d’un vrai bond en avant du Japon à l’aide de l’instauration d’une dynastie ancrée dans la culture japonaise, et d’un mythe qui lui est dédié, des rites bouddhiques et shintoïstes, et finalement d’un Etat fort qui va pouvoir piloter cette modernisation. Bien que discrets durant cette période, les Fujiwara vont prendre de l’importance dans la suite de l’Histoire du Japon.


Enzo Goncalves

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