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L’ère des cristaux, une pépite à découvrir

L’ère des Cristaux (Houseki no Kuni), par Haruko Ichikawa, 7 tomes parus en France, nombre final de tomes non connu. Une adaptation en anime de 12 épisodes a aussi été projetée en automne 2017.



Haruko Ichikawa est une mangaka s’étant d’abord fait un nom avec une succession d’histoires courtes parues dans le magazine Afternoon, son one shot Mushi to Uta ayant même été récompensé. L’ère des Cristaux, débuté en 2012, constitue son premier manga en plusieurs tomes.


Le scénario du manga se déroule dans un futur lointain, sur une Terre dont les hommes ont disparu depuis longtemps suite à une série de cataclysmes. Lentement, une nouvelle espèce a fait son apparition : des êtres constitués de gemmes, asexués, immortels et pouvant être reconstitués à l’infini pour peu que leurs morceaux soient conservés. Ces êtres, peu nombreux (28), vivent sous la menace des Séléniens, des êtres mystérieux venus de la Lune tentant sans relâche de les enlever à des fins inconnues. Chaque Cristal a donc un rôle bien précis qui doit permettre à la Communauté de pouvoir persister tout en se défendant face aux agresseurs de la Lune. C’est dans ce petit microcosme que le jeune Phosphophyllite (surnommé Phos) erre sans réel but : fragile (avec une dureté minable de 3,5 sur l’échelle de Mohs), maladroit et peu persévérant, aucun travail ne semble lui convenir, ce qui ne va pas empêcher le jeune cristal de tenter de trouver sa place parmi ses pairs.


Un bref récapitulatif en début de tome permet de refaire le point sur les Cristaux rencontrés jusqu'à présent


L’Ere des Cristaux pourrait ressembler à l’un de ces sempiternels mangas de quête initiatique, avec un héros progressant linéairement pour finir par gagner en importance. Mais Haruko Ichikawa a su éviter cet écueil en insistant sur les particularités des Cristaux : en plus d’être immortels et de pouvoir être reconstruits à l’infini, ceux-ci perdent une partie de leur mémoire et/ou changent de personnalité si on les reconstruit avec de nouvelles pièces. On ne spoilera pas bien entendu, mais notre héros Phos sera ainsi amené à changer drastiquement, tant physiquement que psychiquement à la suite des évènements ponctuant les différents tomes. Ce système permet de relancer régulièrement l’intérêt du manga, parfaitement rythmé alors que son esthétique pourrait laisser penser que l’on a affaire à une œuvre contemplative.


A cela on peut aussi ajouter la découverte progressive des 27 autres Cristaux : s’ils n’ont pas tous la même importance scénaristique, on prend plaisir à voir fonctionner cette petite société bien compartimentée et où Phos fait souvent figure de trouble-fête. On apprécie particulièrement le docteur Rutile, Diamant le guerrier attentionné, Fantôme animé par le désir de vengeance ou encore Cinabre, le Cristal mis à l’écart car générant sans fin du poison.


Cinabre, paria malgré lui, est l'un des personnages forts du manga


Différent de par son scénario, L’Ere des Cristaux l’est aussi par son esthétisme, placée sous le signe de l’espace, de la symétrie et d’un noir et blanc souvent sans concessions. Le manga n’a pas usurpé sa réputation d’œuvre poétique et graphique : on apprécie beaucoup l’usage qui est fait des grands espaces (Haruko Ichikawa est originaire d’Hokkaido après tout) et la solitude qui s’en dégage. On pense notamment à Giorgio de Chirico dans sa période métaphysique, qui lui aussi prenait plaisir à peindre des êtres esseulés traversant de grands espaces vides ponctués de colonnades.



Ichikawa se démarque aussi par l’absence de tout trait de vitesse, habituellement très utilisés pour donner l’impression de mouvement. La mangaka a recours à d’autres subterfuges comme le découpage, la composition et la distorsion de l’espace pour suggérer le mouvement, avec réussite, notamment pendant les nombreuses scènes de combat.


Les scènes de combat sont l'une des autres réussites du manga


On notera l’utilisation très fréquente d’un noir et blanc brut, ce qui n’empêche toutefois pas la mangaka d’employer des dégradés de gris dans certaines circonstances particulières, notamment lors des scènes sous-marines et nocturnes. Tout au plus regrettera-t-on la difficulté à distinguer certains Cristaux, les différences entre eux reposant essentiellement sur la forme et la couleur de leurs cheveux.


Difficile enfin de ne pas mentionner les nombreuses références faites au bouddhisme, notamment par le biais des Séléniens, peuple dont les personnages et créatures font tous référence d’une façon ou d’une autre à l’esthétique bouddhiste.



L’Ere des Cristaux est donc un manga qui mérite le détour, beaucoup plus que sa réputation de « manga poétique » ne le laisse imaginer. En effet, au-delà d’une esthétique remarquable, L’Ere des Cristaux renferme également un scénario efficace, rythmé et proposant une galerie de personnages intéressants et attachants. Sachez qu’un anime est également en cours de diffusion, avec des qualités qui lui sont propres, et s’inscrivant dans une démarche complémentaire à celle du manga.


Le verdict : Dureté de 8 sur 10 sur l’échelle de Mohs


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