top of page

Kids On The Slope (critique d'anime)

Sortie en 2012 au Japon, la série Kids on the slope (Sakamichi no Apollon) est l’adaptation du manga du même nom par Yuki Kodama, lauréat du 57e prestigieux prix du manga Shōgakukan. Il s’agit donc d’un anime qui commence à dater un peu mais dont l’existence m’a pourtant passée sous le nez au cours de ces cinq dernières années, de manière quasi inexplicable. Inexplicable car j’ai ensuite découvert, après avoir violemment bingewatché la série (bon, 12 épisodes de 25 minutes n’est peut-être pas un grand exploit), qu’à sa réalisation se trouvait quand même Shinichirō Watanabe, ce magnanime génie qui a béni l’humanité de ses œuvres que nous ne méritons pas : Cowboy Bepop (1998), Samurai Champloo (2004) et Terror in Resonance (2014) (moins acclamée, cette dernière série m’aura cependant énormément marquée et demeure de qualité ; fight me).


Si vous vous attendez à retrouver ici le même univers adulte et mature qui caractérise le reste de son travail, vous risquez néanmoins d’être grandement déçu. « Kids on the slope » est avant tout une adaptation ; celle d’un josei centré sur l’amitié de trois adolescents habitant une petite ville côtière des années soixante. Point de grandes aventures ici. (Pour la petite anecdote, j’ai découvert cette série en tapant « Chill animes » sur le moteur de recherche majeur de l’internet mondial). On y suit en effet l’histoire de Kaoru Nishimi (Bon, pour les intimes), fraichement débarqué à Kyushu pour sa première année de lycée. Etudiant brillant et pianiste hors-pair, ses déménagements successifs liés au travail de son père l’ont empêché de nouer des relations et il nous est d’abord présenté comme un garçon solitaire et prisonnier de son anxiété sociale. Le changement survient lorsque le loubard du lycée et son amie d’enfance, Sentarou et Ritsuko, le prennent sous leur aile et l’introduisent au monde merveilleux du jazz. Dès lors, romances adolescentes, mini-drames familiaux et amour du jazz rythment le quotidien de ces protagonistes.


Avec cette adaptation, Monsieur Watanabe s’essaye donc essentiellement à trois choses : une coming-of-age story, une ode au jazz et un voyage nostalgique et carrément chill vers le Japon des années 60/70.


Bromance et jeunesse évanescente


J’ai toujours eu un penchant pour ce genre d’histoires centrées sur le difficile passage à l’âge adulte, entre la quête de son identité propre et la quête d’appartenance. J’apprécie fondamentalement le genre du slice of life parce qu’il possède une certaine force tranquille pour révéler la beauté d’une vie ordinaire et des petites luttes quotidiennes. Kids on the slope l’illustre, je trouve, avec beaucoup de réalisme et de grâce. Ainsi, j’ai particulièrement aimé, en vrac : le thème du métissage de Sentarou, les différents types de relations familiales exposés, les multiples passions dépeintes, la représentation du christianisme de Sentarou et Ritsuko (c’est personnellement la première fois que je regarde un anime qui en parle), l’évolution des personnages (en particulier de Kaoru) qui sont en outre attachants. Beaucoup ont trouvé la représentation des déceptions amoureuses des personnages neuneu et niaise ; moi j’y ai vu une approche honnête et sensible, en cohérence avec leur jeunesse et leur inexpérience. (Bon, j’aime les shojo et les josei, aussi ; sue me). Surtout, j’ai trouvé l’amitié entre Sentaro, Kaoru et Ricchan très touchante et rafraîchissante : trois personnes se souciant sincèrement du bien-être de l'autre, aussi maladroitement soit-il. Les moments de bromance, en particulier, était trop purs et intenses (et légendaires) pour laisser indifférent(e), okay.



Une ode à la magie du jazz


La musique a toujours pris une place très importante dans l'œuvre de Watanabe. Le blues jazzy de Cowboy Bepop ou le hip-hop coloré de Nujabes dans Samurai Champloo illustrent sa capacité à donner vie à son travail par ce médium, qu'il considère comme le seul langage universel (il parle bien). Kids on the slope ne fait pas exception, et les jam sessions sont au cœur de cette série. Elles accompagnent les personnages, reflètent leurs émotions, à travers leurs joies et leurs déboires. La bande originale est absolument magnifique - la magicienne Yoko Kanno (Cowboy Bebop, Darker than Black, Wolf's Rain) se retrouvant aux commandes (merci, Madame). Bref, l’anime est un plaisir à regarder au moins pour ces escapades musicales. Et si vous n’aimez pas le jazz, vous allez apprendre.


Welcome to the sixties


Enfin, Kids on the slope est une plongée rétrospective dans le Japon des années soixante, à coup de références culturelles (l’ascension des Beatles par exemple) et historiques (manifestations et mouvements étudiants, présences de Marines américains). Mais plus encore, Kids on the slope parvient à nous immerger véritablement dans le quotidien d’un adolescent japonais lambda dans l’après-guerre, à nous suggérer ce que signifiait être un adolescent japonais à l’époque. Et si tout n’est pas rose dans cet univers pas si lointain, la série dégage une dose indéniable de nostalgie : ce petit village au bord de la mer, loin du vacarme et de la frénésie de Tokyo, évoque un calme, une simplicité et une joie de vivre qui n’est pas sans me rappeler le village d’Umi dans La Colline aux Coquelicots (Gorō Miyazaki). Ce jeu sur une sorte de paradis perdu ajoute ainsi à l’atmosphère de l’anime qui est si… chiiiill.



Belle réussite donc que cet anime doté d'une animation de qualité, d'une histoire (assez) rondement menée et d'une bande originale jouissive. Kids on the slope est une de ces heureuses surprises, ces perles de récits "feel good" sur lesquelles on tombe un après-midi caniculaire après avoir cherché désespérément une série qui ne soit ni trop sérieuse, ni trop prétentieuse, ni trop stupide.


8/10


Comments


bottom of page