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Game design : la Méthode Nintendo



Beaucoup d’entre nous tirent leurs meilleurs souvenirs de jeux vidéo de succès Nintendo. Parcourir les dédales angoissants de Metroid, s’aventurer de ville en ville dans le monde de Kanto, livrer une bataille acharnée contre des amis sur Super Smash Bros, telles sont les expériences uniques qui font de Nintendo un créateur de jeux si apprécié. Mais la question qui se pose dès lors est : pourquoi ?


Qu’est-ce qui fait que des licences comme Pokémon et Super Mario se vendent toujours autant, après 40 ans ? D’aucun avanceront l’argument de leur avant-gardisme. Nintendo a indéniablement posé les bases de beaucoup de genres : du platformer (Mario) au RPG (Pokémon et Final Fantasy), en passant par le brawler (Super Smash Bros), sans oublier le Metroidvania, qui a même en partie pris le nom d’un de leurs jeux. Aujourd’hui encore, l’esprit de Nintendo sous-tend tout l’écosystème vidéoludique. On voit sans peine les ressemblances entre l’ambiance et le gameplay de Hollow Knight et de Metroid, entre Brawlhallah et Super Smash Bros, entre Super Meat Boy et Mario Bros, et la liste pourrait s’allonger encore.


L’antériorité de Nintendo a aussi un effet psychologique sur leur écho dans le media à l’époque contemporaine. Mr Game and Watch, Super Mario, ce sont les premiers vrais succès du média. Dans l’imaginaire collectif, le petit plombier rouge qui saute sur des tortues est une icône de la pop culture, dont l’incarnation est la première console au succès international, la NES (Nintendo Entertainment System). Non seulement les personnages de Mario ou Pikachu ont toujours existé dans la culture du jeu vidéo, mais aussi de fait, lorsqu’on pense au jeu vidéo, notre esprit se porte inconsciemment vers les souvenirs de nos premiers moments de jeu vidéo, qui sont plus souvent qu’autrement, sur une console Nintendo.




Mais cela ne répond qu’en partie à la question. Pourquoi eux et pas d’autres ? Pourquoi Nintendo a-t-il fini par dominer ses concurrents, comme Sega ? Dans une optique profondément étiologique, de quelles eaux émerge le miracle Nintendo ?


La véritable révolution de Nintendo n’est pas technique ou technologique, mais tient bien du design. Avec Donkey Kong puis Mario Bros, Nintendo crée le platformer, et avec le genre, une nouvelle façon de concevoir le gameplay.


Le jeu vidéo est un art technologique. La virtuosité de leurs créateurs tient à l’origine de leur capacité à dépasser les limitations du hardware pour créer une expérience fun, un moment à part. Les frontières du possible se voient alors sans cesse repoussées par les nouveaux territoires que donnent à explorer les avancées techniques dans le domaine de l’informatique. Ce sont elles qui ont pu rendre possible la 3D, le jeu en ligne, les mondes ouverts, pour ne citer que les plus novatrices. Ainsi, pendant une grande partie de l’essor du jeu vidéo, le game design s’articulait essentiellement autour de la capacité à utiliser à bon escient ces technologies, créant parfois fortuitement des succès, au hasard de quelque morceau de code ou de réglages. Là où cette méthodologie de design empirique tranche avec la méthode Nintendo, c’est que l’entreprise japonaise avait compris, avant tout le monde, qu’il fallait centrer le processus de création sur le joueur, sur le gameplay. Les jeux Nintendo sont en effet tous designés avec une redoutable précision pour procurer au joueur une expérience de jeu la plus agréable.


Très concrètement, cela passe par une simplicité parfois déconcertante. Le jeu ne doit pas demander d’effort de compréhension ; la seule difficulté provient en effet de la capacité du joueur à relever les défis inhérents au level design, et ne se transforme pas en frustration de ne pas comprendre comment finir un niveau.


La manière dont Nintendo y parvient est de se focaliser sur une mécanique majeure par jeu, et de l’explorer à fond au cours de l’aventure. Dans les jeux Kirby, le fait de pouvoir avaler certains items, dans les jeux Pokémon, les combats au tour par tour, dans les jeux Metroid, l’exploration d’une carte immense grâce à différents power-ups, etc.



Mais l’exemple illustrant ce principe le mieux est bien sûr celui de Mario. Dans les premiers jeux Mario, la mécanique de base est simplement le saut. Le génie du saut de Mario, c’est sa capacité à servir à presque tout : atteindre des plateformes, casser les briques, activer les cubes d’objets, tuer les ennemis. Et c’est ce que Nintendo explore de fond en comble au cours du jeu : trampolines, différentes plateformes et différents ennemis sont là pour encourager le joueur à tirer un maximum de son seul atout (ou presque) : le saut. Pour en finir avec le saut, et pour bien mettre l’accent sur sa place centrale dans les jeux Mario, Nintendo aime beaucoup nous empêcher de l’utiliser, et voir comment on se débrouille sans. Vous vous êtes déjà demandé pourquoi les niveaux aquatiques étaient les plus durs ? C’est très simple : ce sont les seuls où il vous est impossible de sauter.


Et on remarque que cette méthodologie sert de fondement à tous les succès Nintendo. Le brawler Super Smash Bros, qui rassemble tous les personnages majeurs de Nintendo, utilise d’ailleurs extensivement cette particularité. De chaque personnage, on reconnaît les attaques car elles font écho aux actions du jeu original : Pikachu lance des attaques tonnerre et vive-attaque, Kirby avale ses adversaires, Bowser crache du feu et Samus lance des missiles.


A la simplicité du gameplay, s’ajoutent également la simplicité de l’histoire (peu de personnages secondaires, scénario souvent très manichéens et linéaires), des objectifs (sauver la princesse, devenir le meilleur dresseur…), de la prise en main (contrôles hyperréactifs, maniabilité impeccable) et des graphismes. Bien qu’elles importent moins à mon avis que la simplicité du gameplay, ces autres aspects contribuent à l’efficacité du design made in Nintendo.


Aujourd’hui encore Nintendo se concentre radicalement sur l’expérience de jeu, et s’inscrit en contrepoint de la pléthore de jeux open worlds fades. Mais cela ne veut pas nécessairement dire que le géant japonais se repose sur ses acquis. Il profite de son avant-gardisme technologique, et de l’originalité et le caractère unique de son offre pour allier innovation technologique et de gameplay. Très récemment, cette alliance tradition / innovation a éclaté au grand jour avec le nouvel opus de Pokemon, qui se déroule dans un environnement en trois dimensions et avec des sauvegardes automatiques, ou avec Zelda Breath of the Wild, qui ajoute une notion de survie inédite et originale à la saga.



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