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Et si Jean-Paul Sartre était le souverain final de Westeros ?

20 mai 2019, tu découvris, non sans émotion, l’aboutissement de la série Game of Thrones par le règne de Brandon Stark, alias la Corneille à 3 yeux. "Pourquoi croyez-vous que j'ai fait tout ce chemin ?" lance-t-il à Tyrion avec ce détachement qui lui est propre. Pourtant, six mois se sont écoulés et tu ne te remets toujours pas de ce dénouement. Celui-ci te parait trop insatisfaisant : bien qu’il ait effectivement parcouru un long chemin dans le temps et dans l’espace, Brandon n’est pas le héros que tu souhaitais voir sur le trône. Il te fallait un personnage plus emblématique, plus charismatique ou plus engagé. Toutefois, plusieurs éléments peuvent nous faire penser que quelqu’un d’autre s’est finalement imposé à Westeros.




Et si un autre personnage était devenu le plus grand souverain de l’univers de GOT ? Je pense bien sûr à notre écrivain et philosophe fétiche : Jean-Paul Sartre. De nombreux indices témoignent, tout au long de la série, de la prédominance de ce bon JP. La doctrine sartrienne se manifeste à travers des personnages tels que Jaime et Tyrion Lannister. Les deux fils de Tywin exemplifient tout à fait le principe fondamental de Sartre : l’existence précède l’essence.


On peut effectivement constater que les deux frères échappent absolument à tout ce que Tywin a pu souhaiter pour eux. Dès la première saison, Tywin manifeste éhontément la déception qu’il éprouve à l’égard de Jaime. « J’ai besoin que tu sois l’homme que tu as toujours été destiné à être. » dit Tywin à Jaime, comme si ce dernier avait une essence, une nature prédéfinie, que ce dernier s’obstinerait à ne pas réaliser.


Toutefois, l’évolution du personnage de Jaime Lannister laisse penser qu’il refuse justement de se laisser enfermer dans la fonction que son père souhaiterait le voir assumer.


Quant à Tyrion, Tywin lui fait clairement comprendre qu’il n’est pas conforme à ce qu’il attendait de lui et révèle même avoir essayé de le tuer à la naissance. Pourtant, le personnage de Tyrion se construit indépendamment de sa famille, un lien qu’il rompt officiellement dans l’épisode 10 de la saison 4 lorsqu’il tire sur son père.


Dès lors, l’existentialisme sartrien serait-il au coeur de de GOT ?


Le poids de l’héritage est incontestablement prépondérant sur le Royaume des Sept Couronnes. Chaque maison possède une devise propre, qui caractérise la famille entière. Si on naît Lannister, alors on est fidèle à sa parole, on paie en retour celui qui nous a aidé ou celui qui nous a offensé. De même, « Nôtre est la fureur » pour les Baratheon. Pourtant, la diversité des personnalités au sein des familles témoigne d’une tentative d’essentialisation vouée à l’échec. Si chacun de nous a une situation, celle-ci n’est en rien déterminante.


Nous sommes entièrement libres, et rien ne saurait constituer un déterminisme contraignant. Ainsi, condamné à une liberté absolue, l’homme doit-il inventer son chemin. Ce processus d’acquisition de liberté par effacement de ses racines antérieures correspond particulièrement au cheminement d’Arya Stark. La jeune Arya, devenue orpheline suite à de nombreux événements tragiques, devient une « No one », en étant démunie du poids de son passé. Elle quitte ses habits, ses objets, jusqu'à perdre son identité: « Sais-tu qui tu es ? Tu n’es personne. Tu n’es rien. » lui apprend-on. Et qui mieux que Arya, par la suite, fait preuve de la plus grande liberté en tant que Sans-Visage.


Le règne de l’existentialisme sur le Royaume des Sept Couronnes


Si le final de Game of Thrones a déçu de nombreux fans, c’est notamment parce que des centaines de théories et prophéties avaient été élaborées (à tel point que Game of Thrones fut nommé « la série aux mille théories ») et certaines lectures n’ont pas été confirmées.


Prenons le cas de la fameuse prophétie d'Azor Ahai : ce guerrier avait mené l’armée des vivants pour terrasser les Marcheurs Blancs. La prédiction stipulait alors qu’un prince ayant connu une résurrection serait l’héritier d’Azur Ahai.

Pour de nombreux fans, moultes éléments désignaient Jon Snow. Pourtant, c’est bien Arya Stark qui choisit de mettre fin au règne glacé du Roi de la Nuit.


Une autre prophétie importante de l’univers GOT : celle du Valonqar. Cette prophétie provient du premier épisode de la 5e saison : la jeune Cersei se rend chez une sorcière-voyante nommée Maggy la Grenouille, et obtient une prédiction de sa mort. "Lorsque tes larmes t'auront noyée, les mains du valonqar se resserreront autour de ta gorge blanche et te feront exhaler ton dernier souffle de vie », valonqar signifiant « petit-frère ». Les fans ont alors anticipé le sorroricide de Cersei par Jaime ou Tyrion.


Enfin, une théorie issue de la vision de Mélisandre d’Arya « fermant des yeux marrons, bleus et verts » laissait penser qu’Aya allait mettre fin à la vie de Cersei ou Daenerys, pourtant, il n'en a rien été.


Ainsi, le monde de « Game of Thrones » est fait de prophéties et de croyances religieuses. Si certaines théories sont validées, d’autres nécessitent une relecture. Certains mystères persistent, tels que la réelle identité de certains personnages (Tyrion est-il un Targaryen ?). Cela atténue d’autant plus l’idée de « destinée commune » aux protagonistes selon leur maison. La véritable ascendance de Jon Snow, alias Aegon Targaryen, n’est pas évoquée dans le final de la série, comme si cela ne reflétait en rien la nature du personnage. En outre, le puissant libre-arbitre dont fait preuve chaque personnage montre que le destin des personnages n’était pas scellé à l’avance. Le sort de la ville de Port Réal elle même semble totalement indéterminé : la ville calcinée retombe en « année zéro ». Ce pouvoir de néantisation présage ainsi une grande liberté pour la suite, à l’image d’Arya qui part explorer ce qui se trouve à l'Ouest de Westeros.


Master Sartre règne ainsi sur le royaume des sept couronnes : à Westeros, « l’existence précède l’essence ».


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