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Odin Sphere : Leifthrasir (critique)

Dans le petit monde des jeux en 2D, les développeurs du studio Vanillaware se sont taillés une solide réputation d’artisans du sprite grâce à une série de jeux, tous en 2D, disposant d’une patte artistique et graphique mémorable : le premier fut Grimgrimoire sur PS2, suivi d’Odin Sphere sur cette même console, Muramasa sur Wii puis sur PS Vita et enfin Dragon’s Crown sur PS3 et PS Vita. Quatre jeux pour autant de perles de l’animation 2D, servie par une direction artistique splendide et toujours inspirée (pas très étonnant quand on a le flamboyant George Kamitani à sa tête), passant d’une école de magiciens (Grimgrimoire) à un univers mediéval-fantastique (Dragon’s Crown) en passant par les contes et légendes nordiques (Odin Sphere) et japonais (Muramasa). Après le remake de Muramasa sur PS Vita, c’est au tour d’Odin Sphere de subir un lifting et de ressortir, rajeuni, sur PS4, PS3 et PS Vita sous le nom d’Odin Sphere Leifthrasir. Si le jeu reste excellent sur PS2, son gameplay a malgré tout subi les affres du temps. Ce remake remplit-il alors sa part du contrat ?


Le dernier bastion du sprite


On l’a dit en intro, Vanillaware est probablement l’un des derniers studios à maîtriser à la perfection l’art (car c’en est un) du sprite, tant au niveau du dessin que de son animation, héritier d’une lignée glorieuse rassemblant des titres aussi variés que Castlevania ou Sonic. Et c’est avec plaisir que l’on constate sur cet opus que les artistes du studio n’ont pas perdu la main : les animations des personnages principaux et des ennemis sont un régal, d’une fluidité et d’une netteté parfaites. La DA de l’opus initial étant déjà splendide (et de très bon goût), on se retrouve donc avec un opus qui pourra sans doute prétendre au titre de plus beau jeu en 2D (avec Muramasa sur Vita), à moins que vous ne soyez allergique à la 2D et/ou à la mythologie nordique.


Aux sprites et animations du premier plan il faut ajouter les arrière-plans, toujours dessinés à la main pour un résultat à décrocher la mâchoire tant le souci du détail (avec là aussi quelques petites animations qui viennent embellir le tout) transparait dans chaque décor. On pense en particulier à la capitale du royaume de Titania ou encore à l’ancien champ de bataille, ce dernier proposant par exemple des jeux de lumière magnifiquement travaillés.



Même le hub de départ du jeu, un vieux grenier où une petite fille se plait à lire les livres nous narrant les évènements que le joueur va vivre, est superbement dessiné et parvient à dégager une ambiance chaleureuse évoquant immédiatement une lecture de contes au coin du feu, ce que les créateurs du jeu cherchent évidemment à évoquer puisque les différents scénarios du jeu se réfèrent à tout un univers de contes et de légendes.


Un Anneau pour les gouverner tous, un Anneau pour les trouver, un Anneau pour les amener tous, et dans les ténèbres les lier


Le scénario d’Odin Sphere Leifthrasir n’a évidemment connu aucun changement par rapport à l’opus original. Il s’agit toujours de suivre les histoires de 5 personnages différents : la valkyrie Gwendolyn, le prince Cornelius, victime d’un sortilège, la princesse des fées Mercedes, le chevalier noir Oswald et enfin la princesse déchue Velvet. Le joueur vivra la même trame temporelle à travers les yeux de ces 5 personnages, dont les parcours nous en apprendront plus sur les motivations troubles des nombreux acteurs qui s’affrontent dans une ambiance de fin du monde. Le royaume des valkyries, mené par Odin, affronte celui des fées pour la possession d’un chaudron qui donnerait à son détenteur un pouvoir incroyable, qui lui permettrait notamment de forger des armes de guerre extrêmement puissantes. Il faut toutefois détenir un anneau spécifique pour pouvoir faire plier le chaudron à sa volonté. Celui-ci va constituer l’un des enjeux centraux de ce scénario, où l’on retrouvera aussi des magiciens manipulateurs, des dragons cherchant à mettre fin à la folie des humains (dont un certain dénommé Wagner...) ou encore les Pookas, d’anciens humains transformés en sortes de lapins bipède suite à une malédiction et souhaitant éviter que le chaudron ne soit à nouveau utilisé. Complexe, la trame narrative l’est, mais une timeline bien fichue permet d’embrasser d’un regard les évènements ayant eu lieu simultanément chez les autres héros.



Très fortement inspiré de la tétralogie de Wagner (Gwendolyn et Oswald font directement référence au duo Siegfried-Brünnhilde par exemple), le scénario d’Odin Sphere est une réussite grâce aux personnages, tant principaux que secondaires, chacun suivant ses propres motivations, ce qui rend les confrontations et duels entre les personnages d’autant plus tragiques qu’aucun n’a foncièrement tort. Pour reprendre Jean Renoir dans La Règle du Jeu : « Le plus terrible dans ce monde c’est que chacun a ses raisons ». La très bonne écriture des personnages, qui n’hésitent pas à faire part de leurs doutes et à dévoiler leurs faiblesses, font que chaque scénario est unique et présente un intérêt propre, en plus de faire avancer l’histoire globale du jeu et de nous faire comprendre les motivations des personnages secondaires.


Muramasa : Leifthrasir


Quid du gameplay, qui constituait le principal chantier du jeu ? Sur ce plan, il est évident que les gars d’Osaka ont lorgné du côté de Muramasa Rebirth (la réédition Vita du jeu), dont le gameplay avait recueilli les louanges de la critique et des joueurs pour son dynamisme et sa pêche, à l’inverse de Dragon’s Crown, plus lent et plus pataud. Les 5 personnages du jeu frappent rapidement, esquivent avec agilité et font pleuvoir les coups spéciaux, déblocables et améliorables, sur leurs adversaires. C’est un réel plaisir que de multiplier les combos et que d’utiliser les effets spéciaux de nos skills en les combinant pour faire des enchaînements qui ne sont pas sans rappeler les jeux de combats en 2D. Chaque personnage a ses spécificités au combat : Gwendolyn est le personnage le plus polyvalent, Cornelius est plus vif et se déplace davantage, Mercedes se bat à distance avec une arbalète puissante, mais qu’il faudra recharger, Oswald est plus lent mais peut temporairement se transformer en chevalier des Ombres enchaînant les coups à toute vitesse, et enfin Velvet utilise ses chaînes pour frapper ses ennemis à distance et virevolter autour de ses ennemis. Il y a donc peu d’effet de redite entre les personnages, même si Gwendolyn, Cornelius et Oswald se jouent de façon assez proche.



Mais qui dit RPG dit également XP et skills ! L’expérience se gagne de deux façons différentes dans Odin Sphere : en tuant des ennemis évidemment, mais aussi en mangeant ! La nourriture reste une constante des jeux Vanillaware, dont les développeurs, fidèles à la tradition d’Osaka (ville de la bonne chère au Japon), prennent un malin plaisir à nous faire dévorer de magnifiques plats qui nous font gagner de l’expérience donc. Mais il faudra rassembler les ingrédients de ces plats sur le champ de bataille, que ce soit en les lootant, en les achetant, ou en faisant pousser les fruits dont on a besoin. Bien crafter sa nourriture sera donc essentiel afin de s’assurer que votre personnage reste au niveau.



L’alchimie est aussi une autre composante essentielle du gameplay : une fois que le joueur amassera ses premières fioles, il pourra se lancer dans la concoction de potions toujours plus complexes, en utilisant notamment des mandragores trouvées sur le champ de bataille. Le nombre et le type de mandragores utilisées donnera à vos potions des effets différents, qu’il s’agisse d’une tornade de glace, d’une explosion ou encore d’une potion de soin. Ajoutez à cela l’existence d’un niveau de potion (de 1 à 9) qui détermine sa puissance et vous comprendrez que l’alchimie vous occupera un bon bout de temps également.


A ce titre ces deux aspects du gameplay (craft de nourriture et de potions) ont vu leurs interfaces améliorées par rapport à l’opus PS2 : la navigation s’en trouve grandement simplifiée. Mais il faudra toujours se montrer très soucieux de ramasser tout ce qui traîne sur le champ de bataille, ce qui pourrait déplaire aux fonceurs peu soucieux du loot.


Il était une (cinquième) fois...


Le principal défaut du jeu d’origine n’a toutefois pu être corrigé, pour une raison simple : il est lié à l’existence de ces 5 scénarios séparés. En effet, finir 5 fois des scénarios qui vous feront parfois affronter les mêmes boss ou traverser les mêmes environnements induit évidemment un effet de répétitivité qui poussera sans doute les joueurs les moins patients à jeter l’éponge ou, tout du moins, à faire une pause avant de se relancer dans le jeu. Entendre pour la 3ème fois un boss dire « Mouhaha tu ne peux pas me battre » finit par avoir un côté un peu ridicule quand on sait qu’on lui a déjà fait mordre la poussière quelques fois auparavant.


Mais il faut passer outre ce petit défaut de structure du jeu puisque finir les cinq scénarios permettra de débloquer la vraie fin du jeu, celle qui achève d’unir les sorts de nos cinq protagonistes.


Et quid de l’OST ?


L’OST d’Odin Sphere était déjà très bon, ainsi seuls quelques morceaux ont été retravaillés, pour un résultat toujours aussi réussi. Ceux-ci viennent supporter les anciens morceaux et ainsi éviter toute répétitivité. On trouve d’excellents thèmes tant lors des phases de gameplay que lors des dialogues ou même lors des tutoriels ! Morceaux choisis avec :


Le crépuscule des Dieux


Tout comme dans la quatrième et dernière partie de la tétralogie de Wagner, à la mort de géants de la 2D comme Castlevania, Metroid, Mario ou Metal Slug, s’est succédée l’aurore d’un monde nouveau : qu’il s’agisse d’Odin Sphere ou de jeux comme les récents Rayman, Mark of the Ninja ou encore Child of Light, les studios de jeux vidéo ont montré que ce genre désormais à part a toujours sa place dans le paysage vidéoludique. Le studio Vanillaware est indubitablement le porte-drapeau de cette mouvance hétéroclite qui rassemble petits et gros studios, grosses boîtes et indies. En nous proposant cet Odin Sphere Leifthrasir généreux et amoureusement retravaillé, les ptits gars de Kamitani ont rappelé que le mot « remake » n’était pas encore tout à fait synonyme de « travail de flemmard cherchant un profit rapide et facile ».


Les +

  • Une fresque splendide et une DA à tomber

  • Un scénario riche et un bel hommage à Wagner

  • Très bonne écriture des personnages

  • Un gameplay grandement amélioré

  • Un système de craft profond et complet

  • Un remake pas flemmard

  • Un très bel OST dans la lignée de Muramasa


Les –

  • Il faut aimer le loot

  • La répétitivité entre les scénarios


Verdict : 8/10

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