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Civilization VI (critique)

Civilization VI par Firaxis Games, disponible sur PC.



Note : Une première extension conséquente, intitulée Rise and Fall (RaF), est parue en février dernier. Notre test ne portera que sur le jeu de base, mais d’après les retours sur RaF, la plupart de nos remarques restent valables.


Une formule évoluant en douceur


Qui ne s’est pas un jour rêvé en leader d’une civilisation tout entière, demiurge omnipotent planifiant, bâtissant et conquérant une civilisation qui saura survivre aux ravages du temps ? Cette promesse est au cœur de la géniale série de stratégie créée par Sid Meier, qui a passé le relais depuis l’épisode IV, avec succès puisque l’épisode V, après quelques ajustements, s’est avéré être un très bon cru. L’épisode VI semblait donc avoir la partie facile, car ne promettant pas de véritable révolution copernicienne comme le V avait pu le faire en passant d’un système de cases à un système d’hexagones. Pourtant malgré ces conditions loin d’être défavorables, Firaxis a trouvé moyen de se tirer une rafale de mitrailleuse dans le pied.


Récapitulons rapidement les bases du jeu pour ceux qui ne connaîtraient pas les Civs. Civilization est un jeu de stratégie en tour par tour où le joueur se retrouve catapulté leader d’un peuple proposant des bonus et unités spécifiques. Ne disposant que d’une ville et d’un guerrier au départ du jeu en 4000 av J.C., il devra étendre son empire en prenant soin des relations diplomatiques, du commerce, de la recherche scientifique, et bien entendu des affaires militaires. Cette polyvalence des leviers à disposition du joueur, ainsi que son système de victoires multiples constituaient la grande force de la série.



L’épisode IV est aujourd’hui encore tenu en très haute estime par les fans de la série, mais souffrait de deux problèmes : l’empilement d’unités et les villes n’occupant qu’une case. Le premier sera résolu par l’épisode V, qui instaurera la loi du « Une unité par case », alors que le second l’est par le VI, qui oblige les joueurs à réfléchir à la construction de leur cité puisque celles-ci s’étendront dorénavant sur plusieurs cases. Sur ce point, le pari est gagné : la gestion de nos villes prend une dimension nouvelle, puisque les bâtiments sont regroupés par blocs (culture, religion, divertissement, science, commerce, militaire) entre lesquels le joueur devra choisir. Dès lors dois-je consacrer cette ville à la culture ou à la science, à moins que la construction de lieux de divertissement ne soit prioritaire ? Cela ajoute une surcouche de choix intéressante à chaque partie et nous force à bien réfléchir à leur développement. Développer sa capitale de la culture à la frontière du belliqueux empire scythe n’est peut-être pas la meilleure idée. Impossible également de créer une ville hyperproductive spécialisée dans les merveilles, puisque chaque merveille occupe désormais une case et doit souvent obéir à des conditions de terrain bien précises. Vital quand on sait que les merveilles procurent des bonus non négligeables aux civilisations parvenant à les construire.

Le deuxième principal ajout de cet épisode est le système de doctrines, qui constitue une refonte du système développé dans Civ V. Tout comme les technologies, les doctrines devront désormais être recherchées grâce aux points de culture générés par son empire. Un point non négligeable et qui met encore un peu plus la culture en avant. Ce paramètre constitue, avec la science, l’une des clés de la victoire, au détriment de l’or notamment, distribué plus généreusement qu’avant.


Le jeu propose une myriade d’autres petites améliorations ou changements que nous ne nommerons pas de façon exhaustive. Mais vous l’avez déjà deviné d’après le titre, il y a quelque chose de pourri au royaume de Sid Meier, comme en attestent les chiffres Steam : Civ V restait davantage joué que Civ VI plusieurs mois après la sortie du nouvel opus !


Une histoire dite par un idiot, pleine de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien


Un écran qui résume bien le jeu : on vous dénonce avec un grand sourire banane pour une raison débile.


Le principal problème réside dans les errements absolument honteux de l’IA, qui est incapable d’avoir une politique cohérente, de mener une guerre ou d’établir une alliance avec qui que ce soit. Imaginez-vous un monde peuplé de leaders passant le plus clair de leur temps à mener des guerres picrocholines, faisant passer Trump pour un parangon de stabilité. L’IA passe son temps à vous dénoncer d’après des critères totalement fumeux (liés à un « ajout » bien malvenu), rendant tout commerce et toute stratégie diplomatique impossible. Or le commerce de ressources de luxe avec les autres civilisations, indispensables pour satisfaire votre peuple, est essentielle à toute partie. Dès lors, vous vous trouvez souvent obligé de jouer la carte expansionniste afin de pouvoir soutenir la croissance démographique de votre peuple.


Pour ce qui est de la guerre, si jamais votre ennemi a le malheur d’être à votre frontière, alors il vous enverra des unités en ordre dispersé, et se montrera incapable de mener un assaut massif ou coordonné avec ses alliés. L’IA a été tellement mal configurée qu’elle ne se montre même pas capable d’améliorer ses unités ! Vos blindés ou lance-roquettes se verront souvent confrontés à des légions de cavaliers envoyés à une mort certaine car jamais améliorés. Bref, Civilization VI est un jeu stupide et frustrant tant pour les conquérants que les diplomates en herbe : à aucun moment l’on ne se sentira véritablement « intelligent », tout au plus aura-t-on l’impression de ne pas être stupide comme l’IA.


A peu de choses près les guerres de fin de partie ressembleront à ça. Notez que la charge des cavaliers polonais sur les tanks est un hoax créé par les Allemands durant la guerre.


Il faut également signaler que celle-ci est dépourvue de tous sens de la géographie, puisqu’elle n’hésitera pas à fonder des villes dans les endroits les plus stériles, les plus isolés ou les plus inutiles, à moins qu’elle ne préfère bâtir une ville PILE entre vos deux puissantes cités (oui Philippe II, je te fais les gros yeux). Là encore l’illusion d’une simulation géopolitique de grande ampleur se dissipe douloureusement.


Un autre problème crucial du jeu est son rythme totalement erratique et mal maîtrisé. Après une préhistoire et une ère classique relativement normales, on traverse le Moyen-Age et l’époque moderne à une vitesse folle avant d’arriver à l’ère contemporaine au bout de… 300 tours (sur 500), parfois moins ! Sachant que l’end game n’a jamais été un point fort des Civ (vous êtes trop puissants, la victoire s’esquisse), on ne comprend pas ce choix complètement contre-intuitif de raboter les périodes les plus cruciales (et donc passionnantes) qu’étaient le Moyen-Âge et l’époque moderne. Je n’ai même pas fini de partie tant ce cap du tour 300 marque l’entrée dans un monde d’ennui et de lassitude qui ferait passer une compétition régionale de curling pour un divertissement survolté.


Leader random en carto(o)n


La dernière critique peut être subjective, mais le choix des civilisations et de leurs leaders laisse… dubitatif. Le cas d’école est bien sûr notre chère France, représentée par la très italienne Catherine de Médicis, choisie car permettant d’implémenter des mécaniques d’espionnage. Autant catapulter ce cher Noël- Hubert Bonnisseur de la Batte leader de la France, on pourrait au moins en rire. Passons aussi sur la disparition de piliers de la série comme la Perse, les Byzantins, l’Empire Mongol, l’Empire Ottoman, les Incas, les Zoulous, « avantageusement » remplacés par des pays comme la Scythie ou le Congo dont le choix semble reposer sur des critères douteux. Passons aussi outre le design global des dirigeants, encore plus cartoonifié pour des résultats oscillant entre le bon (Hojo Tokimune, Pierre le Grand), le moyen (Theodore Roosevelt) et surtout une galerie d’horreurs ayant sa place parmi les gargouilles de Notre Dame (Saladin, Gandhi, Catherine de Médicis). Vous vous en doutez, mais de nombreux DLCs et l’extension sont venus corriger les « oublis » (kof kof) survenus chez Firaxis avec le retour des Mongols, de la Perse ou d’Alexandre le Grand par exemple.



Enfin finissons avec un point moins significatif, la musique. L’épisode V avait déjà marqué une immense régression par rapport à l’épisode IV, qui disposait d’une sélection fabuleuse de chants médiévaux, d’œuvres de Mozart, Beethoven, Brahms qui transportaient le joueur dans les époques qu’il traversait. Désormais on se farcit des musiques « ethniques » par groupe de civilisations (musulmanes, asiatiques, européennes), que l’on mutera rapidement pour remettre la musique du IV.


Les Civilization sont-elles mortelles?


Vous l’avez donc compris, Civilization VI est encore pire qu’une suite paresseuse, c’est une régression par rapport aux excellents épisodes IV et V. Le facteur fun est aux abonnés absents, puisque le joueur n’a que pour seule option de la jouer militaire face à ses voisins dirigés par une IA en roue libre. Passons outre une sélection de leaders qui privilégie des figures féminines « histoire de » (France, Corée, Pologne, Scythie) et en oublie d’autres bien plus importantes dans le processus. C’est malheureux à dire mais on ne recommande Civilization VI à personne : l’épisode V est plus stable, plus complet et moins cher, en plus de disposer de nombreux très bons mods. Le IV est également encore excellent, en plus d’être complémentaire du V. Quant au VI, il semble pour l’instant se satisfaire de son statut de vilain petit canard comme le montre l’absence de correction des problèmes mentionnés plus haut. Finalement l'image de couverture du jeu est assez parlante: un bon système de jeu ployant sous le poids des contradictions engendrés par une IA qui disjoncte et des systèmes qui se contredisent.



Les +

  • Le nouveau fonctionnement des villes

  • Des civilisations aux gameplays assez différents

  • Le système de bonheur, meilleur que celui du V

  • Une carte du monde chatoyante et réussie


Les -

  • IA indigne d’un jeu de stratégie

  • Rythme de la partie aux fraises

  • Placement de départ des civilisations souvent anarchique

  • Scénarios peu nombreux et inintéressants

  • Choix des civilisations et leaders douteux

  • OST anecdotique

  • Politique de DLC de plus en plus décomplexée

  • Les problèmes précédents ont à peine été corrigés par l’extension à 30 euros (!)

Verdict : 3/10


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